Quand Robert Badinter plaidait pour la mémoire de Jean Zay à Orléans

Suite au décès de l’ancien ministre et avocat Robert Badinter, ce 9 février 2024, Pierre Allorant a retrouvé le texte ci-dessous.

Le 23 novembre 1996, à l’invitation du doyen de la faculté de Lettres, Langues et Sciences Humaines de l’université d’Orléans, Claude Michaud, Robert Badinter prononce ce discours d’hommage lors de l’inauguration de l’amphithéâtre Jean Zay.

Après une décennie passée à la Présidence du Conseil constitutionnel, Robert Badinter est alors sénateur des Hauts-de-Seine et ami du maire d’Orléans, Jean-Pierre Sueur, réélu brillamment aux municipales de 1995.

« Je considère comme un devoir de reconnaissance et de piété pour tous les républicains de célébrer la mémoire de Jean Zay. Et je considère comme un honneur que vous m’ayez invité à le faire, devant vous. Mesdames, qui êtes ses enfants, devant vous, Monsieur le Maire, premier magistrat de cette ville où il est né et qu’il a tant aimée, devant vous, mes chers collègues, qui incarnez l’Éducation nationale qu’il a si bien servie, et surtout devant vous, étudiants de cette université, parce que de nous tous qui sommes ici réunis, c’est votre présence qui lui aurait été la plus précieuse.

Et c’est donc à vous que je m’adresserai tout particulièrement en parlant de Jean Zay. Il est en effet des hommes – rares il est vrai – dont la vie est enseignement et message. Non pas qu’ils l’aient voulue telle. Ceux qui vivent en pensant à la postérité généralement ne font que poser pour elle. Et le culte de leur image remplace pour eux les vertus de l’action.

Tout autre est le cas de Jean Zay.

Parce que son existence même, assez brève puisqu’il a disparu à quarante ans, procède d’une constante et puissante inspiration, qui lui donne une unité et une densité exceptionnelle et permet, à celui qui tente d’en déceler le sens profond, de définir cet homme et sa vie d’un seul mot, un des plus beaux mots qui soient, et qui nous est à tous si cher : Jean Zay, un Républicain.

Républicain, il le fut d’abord de naissance.

Même si la passion de la République n’est pas inscrite dans les gênes, il est des familles où la République est partout présente dans la culture reçue, les valeurs enseignées, l’atmosphère respirée. Ainsi pour Jean Zay.

Son grand-père Élias, juif lorrain, patriote et républicain, avait choisi en 1871 la France et la République, et s’était établi à Orléans.

Son père, Léon, laïc, franc-maçon, dreyfusard, dirigeait le quotidien socialiste [en réalité radical-socialiste] Le Progrès du Loiret. Il avait, pendant la Première Guerre mondiale, servi au front et gagné la croix de guerre.

Sa mère, Alice Chartrain, était issue d’agriculteurs beaucerons. Protestante, elle appartenait à une famille et à une tradition puissamment imprégnée de républicanisme.

Républicain, le jeune Jean le fut par son éducation. »  …

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