Communiqué du bureau du Cercle Jean Zay suite à l’assassinat de Samuel Paty

Voilà une semaine qu’un soir d’Octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire et géographie, a été assassiné et décapité pour avoir fait son métier avec sens et responsabilité. Le bureau du Cercle Jean Zay a été saisi de stupeur et d’effroi devant ce qui s’est passé devant le collège d’une petite ville comme il y en a tant dans notre pays. Nos premières pensées vont à sa famille, à ses proches, à ses élèves et à l’ensemble de la communauté éducative.

Nous avons participé aux divers hommages rendus à Samuel Paty, aux rassemblements spontanés à Orléans, aux cérémonies devant les mairies et suivi l’hommage de l’Assemblée nationale, et la cérémonie dans la cour de la Sorbonne. Nous partageons l’émotion des centaines de milliers de citoyennes et citoyens réunis pour manifester leur colère et leur indignation devant le crime barbare qui a porté atteinte, au-delà de Samuel Paty, à la mission de l’École et aux valeurs de la République.

Nous dénonçons le fanatisme des islamistes radicalisés qui, en instrumentalisant des croyances religieuses, ont mené un tout jeune homme à commettre un crime barbare et a transformé un enseignant en cible d’une haine féroce. Nous espérons que les actes suivront les paroles et que, dans le respect du Droit sur lequel se fonde notre République, les coupables et complices seront poursuivis et châtiés, que les officines qui propagent le fanatisme sous couvert de religion seront démantelées, que la diffusion de la haine sur les réseaux sociaux sera muselée.

Nous espérons encore possible que des enfants issus de familles d’origines sociales diverses, de convictions différentes, de toutes les couleurs de peau, apprennent à grandir et vivre ensemble dans ce pays qui est le nôtre. Nous rappelons les objectifs formulés, peu avant la Deuxième Guerre mondiale, dans les Instructions Officielles qui ont éclairé les « réformes » du ministère Jean Zay et qui valent encore pour aujourd’hui : « former le caractère par la discipline de l’esprit et le développement des vertus intellectuelles ; apprendre à bien conduire sa raison, en élèves de ces héritiers français du message socratique, Montaigne et Descartes ; à garder toujours éveillé l’esprit critique ; à démêler le vrai du faux ; à douter sainement ; à observer ; à comprendre autant qu’à connaître ; à librement épanouir sa personnalité ». Nous voulons encore croire en la possibilité d’une École menant la jeunesse de notre pays sur le chemin des savoirs, des compétences et de la liberté de penser. C’est à cette tâche difficile et ambitieuse que contribuait Samuel Paty !

L’institution scolaire doit apporter à celles et ceux qui la servent au nom de la Nation, soutien, formation, reconnaissance et, s’il le faut, protection afin que personne ne se sente seul(e) ou abandonné(e) dans ce combat essentiel pour notre République. S’il faut, face aux cabales, insultes et tentatives de dévoiement, une référence pour les responsables à tous les niveaux de l’État et de l’Éducation nationale, elle est à trouver dans la Circulaire du 15 mai 1937 de Jean Zay :

« Ma circulaire du 31 décembre 1936 a attiré l’attention de l’administration et des chefs d’établissements sur la nécessité de maintenir l’enseignement public de tous les degrés à l’abri des propagandes politiques. Il va de soi que les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes confessionnelles. L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans défaillance ».

Nous espérons enfin que la laïcité, dont Jean Zay fut l’infatigable défenseur, sera enfin remise clairement à l’honneur, sans équivoque, sans hypocrisie et sans faux-semblants ! La laïcité n’est ni un instrument de lutte contre telle ou telle croyance religieuse ni une notion à repeindre au goût du jour ni une règle que chacun pourrait suivre ou non à sa guise. Comme l’écrit Henri Pena-Ruiz, « la laïcité n’est pas une opinion, c’est une valeur fondatrice de la République ». Héritée de toute notre histoire, inscrite dans notre Constitution, elle permet qu’advienne de plus en plus nettement le règne des principes inscrits au fronton des mairies et de bien des écoles : Liberté, Égalité, Fraternité.